« Scientifiquement prouvé. » Sur les pots de crème de beauté comme sur les publicités vantant une thérapie innovante, cette formule est couramment utilisée pour convaincre les consommateurs de la réalité des profits qu’ils seront sûrs d’en tirer. Sérieuse et rassurante, la science aurait ainsi cette vertu à nulle autre pareille de pouvoir apporter des preuves définitives pour étayer ses dires et tenir ses promesses… Or c’est presque exactement le contraire que nous apprend Karl Popper.
Pour Popper en effet, « une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique ». Autrement dit, une théorie n’est scientifique qu’à condition d’être réfutable (ou, selon d’autres traductions, falsifiable).
Attention : réfutable ne signifie pas réfuté. Qu’une théorie soit réfutable ne veut certainement pas dire qu’elle est fausse, mais seulement qu’elle pourrait éventuellement l’être à certaines conditions si tel ou tel événement se produisait. Autrement dit, une théorie scientifique doit pouvoir être testée, elle doit pouvoir se soumettre à certains protocoles expérimentaux permettant d’établir que s’il se produit tel résultat, elle sera vérifiée (validée), mais dans le cas contraire, elle sera réfutée (invalidée), et donc considérée comme fausse.
Essayez pour voir avec la théorie de la gravité, par exemple : lâchez votre téléphone d’une certaine hauteur. Est-il resté à la même hauteur ? Cela voudrait dire que la théorie est fausse. S’est-il brisé sur le sol ? Rassurez-vous, cela veut dire que la théorie est vérifiée, prouvée et donc vraie…
Enfin, pas exactement, puisque la vérité scientifique n’est alors jamais autre chose qu’une vérité provisoire, en attente d’une éventuelle réfutation qui n’est pas encore venue – et qui ne viendra peut-être jamais. Provisoirement corroborée, oui ; mais définitivement prouvée, certainement pas !
Mais alors, à quoi sert la thèse de l’irréfutabilité de Popper, sinon à nous faire désespérer de jamais atteindre une vérité scientifique définitive ?
Elle permet de tracer une ligne de démarcation bien nette entre les théories scientifiques et celles qui ne le sont pas. C’est notamment le cas de la métaphysique qui, n’étant pas susceptible d’expériences permettant d’en établir la vérité ou la fausseté, est irréfutable. C’est également le cas de la psychanalyse qui peut toujours tout justifier, y compris le refus de la psychanalyse, qui sera alors interprété comme une résistance de l’inconscient.
La défiance que Karl Popper a développé envers les idéologies se perçoit aussi dans la part la plus méconnue de son œuvre, qui concerne le domaine de la philosophie politique.
Ce natif de Vienne a fait partie de ces nombreux intellectuels juifs qui ont fui les persécutions nazies, et, trouvant refuge en Nouvelle-Zélande puis à Londres, il a régulièrement pris la défense du libéralisme (au sens anglo-saxon du terme) et fait la promotion des sociétés ouvertes, tolérantes et transparentes.